La vie de Jeanne d'Arc illustrée par les livres XVe - XXe siècle

mai - septembre 1989

Domremy
Vaucouleurs
Chinon
La levée du siège d'Orléans
D'Orléans à Reims
Le sacre
De Reims à Rouen : l'enluminure
De Reims à Rouen : l'imagerie néo-gothique
Les procès
Le bûcher : 30 mai 1431
La gloire de Jeanne d'Arc
Le rayonnement de Jeanne d'Arc hors de France

Organisée à l’occasion du 560e anniversaire de la levée du siège d’Orléans, cette exposition vise à rappeler les principaux épisodes de la vie de Jeanne d’Arc, vus à travers un florilège d’images qui, au fil des siècles, sont venues illustrer les livres où elle est évoquée. Aussi est-ce toute une histoire du souvenir de Jeanne d’Arc qui, en contrepoint, se dessine.

En l’un ou l’autre des douze momenfs qui scandent l’exposition, tous les siècles sont présents, à l’exception du XVIIIe siècle, Pour trouver une iconographie originale de Jeanne d’Arc au siècle des Lumières, il aurait fallu retenir les gravures galantes ou libertines illustrant les nombreuses éditions de la Pucelle de Voltaire, ce qui, avouons-le, ne convenait pas aux circonstances...

Pendant des siècles, c’est la vie publique, et héroïque, de Jeanne d’Arc qui a surtout inspiré les imagiers et les illustrateurs. Puis, avec le XIXe siècle, son histoire cachée a été aussi mise en valeur. À partir de 1820, Domremy devient lieu de mémoire, à côté d’Orléons, de Reims et de Rouen.

Parmi les livres exposés, figurent deux des manuscrits les plus précieux et les plus aftachants que possède la Bibliothèque municipale d’Orléans : il s’agit de livres, l’un du début, l’autre du milieu du XVIe siècle, qui, tout en suivarnt fidèlement le texte des procès, traduits en français, débouchent sur un aperçu complet de la vie de Jeanne d’Arc.

Domremy

Connue par les témoignages du Procès de réhabilitation et par quelques passages du Procès de condamnation, succinctement évoquée dans les sources narratives, l’enfance de Jeanne d’Arc à Domremy n’a suscité pendant des siècles aucune illustration en dehors de la gravure sur bois qui la montre filant la quenouille aux côtés de son père, dans l’édition incunable des Vigiles de la mort de Charles VII. Cependant les gens de Domremy, et d’abord sa famille, n’avaient pas oublié la fille du pays qui avait mené le roi de France au sacre de Reims. On montrait aux étrangers (ainsi Montaigne au XVIe siècle) la maison de son enfance, l’arbre aux fées. Soucieuse, pour faire pièce à la gloire du Premier Empire, d’affirmer à son tour la vigueur et la pureté de ses sentiments patriotiques, la Restauration s’intéressa de près au souvenir de Jeanne d’Arc à Domremy. En 1820 le Conseil général du département des Vosges acquit sa maison natale, tandis que Louis XVlll ordonnait sa remise en état et fondait une école d’instruction gratuite en faveur des jeunes filles de Domremy et des communes avoisinantes.

Vaucouleurs

Les voix de Jeanne d’Arc commencèrent à lui enseigner sa mission au secours d’Orléans, de Charles VII et du royaume de France alors qu’elle avait treize ans, en 1425. Quatre ans plus tard (1428-1429), elle convainquit son cousin Durant Laxart de l’accompagner auprès de Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs. Celui-ci finit par la prendre au sérieux et par l’envoyer auprès de Charles VII, munie d’un message d’introduction.

Les livres pour enfants consacrés à Jeanne d’Arc sont sensiblement contemporains de l’apparition et de la diffusion de la littérature de ce type dans la France du XIXe siècle. Dès 1811, A. F. J. Fréville inclut une "Histoire de Jeanne d’Arc et du panthéon des enfants célèbres" dans ses Beaux traits du jeune âge. La Vie de Jeanne d’Arc de Clément, publiée dans la Bibliothèque morale de la Jeunesse, eut droit à neuf éditions au moins de 1853 ô 1893.

Chinon

Avec l’arrivée de Jeanne à Chinon, probablement le 4 mars 1429, commence véritablement sa vie publique. "Celuy an, en ce mesme temps de karesme, arriva une jeune fille de XVIII ou XX ans par devers le roy, au chastel de Chinon, nommee Jehanne la Pucelle", dit par exemple la Chronique du Héraut Berry. Rien d’étonnant dès lors à ce que la première entrevue de Jeanne d’Arc et de Charles VII ait été représentée dès le XVe siècle. Il existe même, au Musée historique d’Orléans, une tapisserie d’origine allemande, peut-être strictement contemporaine, où figure la scène, avec, dans une banderolle, la légende : 'Hie komt die lunkfrow von Got gesant dem Delphin in sin Land' (Ici vient la Pucelle envoyée par Dieu au Dauphin dans sa terre).

La levée du siège d’Orléans

La cité d’Orléans était assiégée par les Anglais depuis le 12 octobre 1428. Peu à peu l’étau se refermait. Accompagnant un convoi de ravitaillement, Jeanne d’Arc parvint à entrer dans la ville le 29 avril 1429. Presqu’aussitôt l’assaut des bastilles anglaises qui encerclaient Orléans fut tenté et réussi. Le 8 mai 1429, l’armée anglaise déguerpissait, et Jeanne d’Arc, le jour même, prescrivait aux habitants de remercier Dieu pour la délivrance de leur cité. Telle est l’origine de la procession d’action de grâce qui, selon des modalités diverses, se reproduisit désormais, de façon presque ininterrompue, chaque année à la même date.

D’Orléans à Reims

La levée du siège d’Orléans, réputée miraculeuse, connut un retentissement immédiat à travers l’Europe. On parla de Jeanne d’Arc jusqu’à Constantinople. Mais la Pucelle ne s’arrêta pas là : elle entreprit aussitôt de libérer de l’occupation anglaise toutes les places de la Loire moyenne. Après quoi, elle convainquit Charles VIl de réunir une armée et d’en prendre la tête, jusqu’à Reims. On suivra le déroulement de cette campagne à travers les miniatures du manuscrit de 1484 des Vigiles de la mort de Chartes VII.

Le sacre

Point culminant de la mission de Jeanne d’Arc, le sacre et couronnement de Charles VII, qui eut lieu dans la cathédrale de Reims le 17 juillet 1429, fut sans doute le plus bref et assurément le plus martial de toute l’histoire de France. Curieusement, les représentations de cet épisode décisif sont très rares au XVe siècle. Il est vrai que les siècles suivants se rattrapèrent largement, depuis l’illustration de La Pucelle de Chapelain jusqu’au célèbre tableau d’lngres.

De Reims à Rouen : l’enluminure

Après l’échec sous Paris, les chroniqueurs, même du côté de Charles VII, sont loin de faire silence sur la vie de Jeanne d’Arc. Mais l’illustration est pauvre, conventionnelle. Là encore, force est de suivre le manuscrit de Martial dAuvergne.

De Reims à Rouen :l’imagerie néo-gothique

"À Château-Thierry, août 1429, l’épée de Jeanne". Composition de E. V. Luminais (1822-1896). "Tandis que j’étais à Tours ou à Chinon, j’envoyais, dit Jeanne, chercher une épée qui se trouvait dans l’église de Sainte-Catherine de Fierbois, derrière l’autel. On l’y trouva aussitôt. C’est cette épée qui à Châteou-Thierry, en août 1429, se brisa entre ses mains, un jour qu’elle poursuivait une femme de mauvaise vie".

Les procès

On ne s’étonnera pas de voir figurer le procès de condamnation (1431) et le procès en nullité de la condamnation (1455-1456) dans une exposition qui a pour thème la vie de Jeanne d’Arc d’après les livres. En effet, bien avant que Jules Quicherat en procurât une édition imprimée (Paris, Société de l’histoire de France, cinq volumes, 1841 -1849), des esprits curieux, attentifs à cette dramatique et touchante histoire, en firent faire des copies parfois soignées, qu’ils conservèrent dans leur bibliothèque. Des historiens et des érudits furent autorisés à consulter ces copies, dont la substance passa plus ou moins fidèlement dans leurs travaux. On sait par exemple que Jean-Jacques Rousseau acheta en 1755 pour la somme d’un louis d’or chez un antiquaire parisien un exemplaire du procès qu’un ecclésiastique convoitait également. "Je le remis à la bibliotheque de Geneve : le sçavant Sallior, qui en etoif bibliothecaire, me dit qu’il étoit fort rare, et qu’il n’en connossoit qu’un semblable a l’abaye St Germain". Ce manuscrit, qui contient aussi le texte du Journal du Siège, existe toujours : il s’agit du ms. fr. 86 de la Bibliothèque de Genève.

Le bûcher : 30 mai 1431

Jusqu’au XlXe siècle les images représentant Jeanne au bûcher ont été rares et peu réalistes. Parmi les textes contemporains, l’un des plus explicites est celui du Bourgeois de Paris qui, sans avoir lui-même assisté à la scène, a pu recevoir des informations directes. Il la montre "liee a une estache", autrement dit à un poteau, placé en haut d’un échafaud de plâtre. En un premier temps, elle serait morte suffoquée par les flammes et la fumée. Le bourreau aurait alors montré son cadavre puis remis le feu jusqu’à ce qu’il n’en reste rien : le but était assurément de supprimer toute possibilité de relique.

La gloire de Jeanne d’Arc

"PueIIa Aureliaca sub Carolo Septimo". Illustration de "l’abrégé do la vie et des actions miraculeuses de Jeanne d’Ark, surnommee la Pucelle d’Orléans, sous le regne du roy Charles VII" dans Les hommes illustres et grands capitaines françois qui sont peints dans la galerie du Palais-Royal, ensemble un abregé de leurs vies et actions memorables. Composez par M. de la Colombiere avec leurs portraits, armes et devises, dessignez et gravez par les sieurs Heince & Bignon peintres et graveurs du roi, à Paris chez Charles de Seircy, au Palais, au sixième pilier de la Grand Salle, vis-à-vis de la cour des aydes, à la Bonne-Foy Couronnée, 1690.

Quelques exemples de la façon dont le Grand siècle a imaginé la Pucelle. Sans doute la convention domine dans ces figures impersonnelles, bien fades dans leur théâtralité. Mais ces oeuvres ne sont pas dépourvues d’efficacité, avec parfois même un réel souci didactique

Le rayonnement hors de France

Jusqu’au XVllle siècle, Jeanne d’Arc fut principalement vue comme le témoignage exemplaire des grâces divines dont bénéficiait le royaume de France et ses rois. Depuis la montée en puissance des sentiments nationaux, en Europe et hors d’Europe, elle est devenue le symbole de la réistance à l’oppression étrangère.