La maison natale de Jeanne d'Arc à Domremy

9 octobre 1997 - 30 avril 1998

Présentation de Domremy
La maison et le jardin au Moyen Age
La maison avant 1818
Les travaux après 1818
La maison de nos jours
La maison de Jeanne : tradition et symbolisme
Tradition populaire autour de la maison
Symbole de l'unité nationale
Bibliographie

Présentation de Domremy

"Jeanne répondit qu’elle naquit dans le village de Domremy, qui est uni avec le village de Greux et c’est à Greux que se trouve la principale église" [...] "elle a été élevée en sa jeunesse jusqu’à la 18e année de son âge ou environ, dans le village de Domremy sur la rivière de Meuse, au diocèse de Toul, bailliage de Chaumont-en-Bassigny, prévôté de Monteclaire et d’Andelot".

Le village de Domremy, comme bien d’autres à cette époque, est partagé entre plusieurs autorités : il dépend religieusement du diocèse de Toul qui relève du Saint Empire Romain Germanique, mais politiquement, il comporte deux parties ayant des statuts différents. La partie septentrionale de Domremy appartient à la Champagne, relève de la châtellenie de Vaucouleurs et est incorporée au royaume de France depuis 1365. La partie méridionale, comprenant la maison forte située sur une île de la Meuse et une trentaine de maisons dont celle de Jeanne, appartient à la portion du duché de Bar mouvant de la couronne de France depuis le traité de Bruges de 1301 qui reconnaît le comte (puis duc) de Bar comme vassal du roi de France pour les terres situées à l’ouest de la Meuse. Ces terres sont tenues en fief par les seigneurs de Bourlémont et dépendent de la châtellenie de Gondrecourt, soumise à la juridiction du bailliage de Chaumont.

Cette "frontière" à l’intérieur du village remonte très probablement à 1291. Elle est mentionnée lors d’un procès ayant opposé Pierre de Bourlémont à l’abbaye de Mureau située au sud du village près de Pargny-sous-Mureau. A partir de cette date, tout ce que l’abbaye possède en fief et arrière-fief du sire de bourlémont dans ses seigneuries de Bourlémont, Domremy, Greux,... doit être désormais gardé par le roi de France, l’abbé ayant droit de haute, moyenne et basse justice dans ces fiefs. Cette frontière est mentionnée dans les aveux de dénombrements faits par le sire Jean de Bourlémont au comte, puis duc de Bar en 1334 et 1398 : il s’agit de "la pierre en envers loumoustier (l’église), si comme li rus la porte". C’est donc une pierre enjambant le ruisseau derrière l’église qui marque la séparation entre les deux parties du village. Au Moyen Age, le ruisseau des Trois-Fontaines passait au nord de l’église et mettait ainsi la maison des d’Arc dans la partie du village dépendant du Barrois mouvant.

A Domremy, les personnes habitant la partie française, c’est-à-dire le nord du village, sont de condition libre. Les autres, y compris sans doute la famille de Jeanne d’Arc, sont serfs. C’est explicitement dit dans l’aveu de 1398 de Jean de Bourlémont au duc de Bar “Item, ay et doi avoir la morte main en la ville de Dompremey, ban et finaige d’icelle, en tout ce que je tiens de fiedz de mon dit signour". Cet état de chose est confirmé par l’acte d’annoblissement donné par Charles VII à la famille de Jeanne en décembre 1429 : "Nonobstant que, comme il est dit, ils ne soient pas de noble extraction, et soient peut-être même d’autre condition que de condition libre". La partie méridionale du village dépendant du Barrois mouvant est mainmortable selon la coutume du bailliage de Chaumont.

On sait par les témoignages du procès en nullité de la condamnation de Jeanne que Jacques d’Arc, son père, était laboureur. C’est donc un paysan aisé qui possède un train de labour (une charrue). Sa relative prospérité n’est pas incompatible avec sa condition serve. Jacques d’Arc devait également remplir un rôle important au sein de son village, comme en atteste un acte passé auprès du seigneur de Commercy, Robert de Saarebruck, pour un droit de protection et de sau-vegarde du village en échange d’une somme payée par les habitants (7 octobre 1423) : il est cité en tant que doyen, après le maire et l’échevin. Le doyen faisait les convocations pour les diverses assemblées, les cris des arrêtés municipaux et ordonnances, commandait le guet de jour et de nuit. Dans certains cas, il pouvait collecter les tailles, rentes et redevances, surveiller le pain, le vin et vérifier les poids et mesures. En 1427, on retrouve Jacques d’Arc désigné comme "procureur fondé des habitants" de Domremy dans un procès soutenu devant Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs . Enfin, en 1419, il était locataire du château de l’Isle avec un autre habitant pour un bail de 9 ans, assorti d’un loyer annuel de 14 livres et de 3 boisseaux de blé. Le château était utilisé pour y ensiler du grain.

La maison et le jardin au Moyen Age

Le propre témoignage de Jeanne lors de son procès permet de confirmer la situation géographique de sa maison dans le village, au sud de l’église : "Et cette voix vint quasi à l’heure de midi, en été, dans lejardin de son père, et ladite Jeanne n’avait pas jeûné le jour précédent. Elle entendit la voix sur le côté droit, vers l’église, et rarement elle l’entend sans qu’il y ait une clarté".

Nous ne possédons aucune représentation contemporaine du jardin de Jeanne. Mais de nombreuses enluminures de l’époque nous renseignent sur l’aspect qu’il pouvait avoir. Qu’il soit rural ou urbain, le jardin médiéval a un aspect géométrique. C’est un espace cultivé, séparé de la campagne et des ravages des animaux par un enclos de haie vive, de croisillons de bois ou bien une clôture en pierre ou brique. Il se compos de plates-bandes carrées consacrées à différentes cultures : oignons, choux, carottes, épinards, mais aussi plantes médicinales telles que la sauge ou la rue (qui chasse les serpents et protège de leurs morsures). Il n’est pas rare de trouver également quelques arbres fruitiers, une vigne en tonnelle, et des bordures de fleurs : oeillets, glaïeuls, roses...

De même, il est très difficile de donner une idée précise de la maison lorraine médiévale typique. Nous ne pouvons nous appuyer que sur des plans de maisons rurales du XVIIe siècle, tout en ignorant si elles suivaient le même schéma qu’à l’époque médiévale.

La maison rurale lorraine est toute en profondeur et son toit, couvert de tuiles rondes, a deux pentes. La longueur du pignon est plus importante que celle de la façade. Elle abrite à la fois les hommes, les animaux et les récoltes. La surface au sol est divisée en une, deux, ou trois travées (appelées rains) selon le niveau social du propriétaire, parallèles au pignon. Les travées sont isolées les unes des autres par un mur de refend au rez-de-chaussée. Le premier étage sert de grenier pour entreposer les récoltes. Une travée est destinée à l’habitat, une autre à la grange, une troisième au bétail. L’habitat est composé de deux ou trois pièces : une chambre, un poêle (pièce principale en Lorraine), une chambre à four (pour la cuisson du pain). Un jardin à l’arrière de la maison et épousant sa largeur vient conclure ce schéma. Si l’on considère la condition sociale du père de Jeanne, on peut imaginer que sa maison comportait deux travées : un logement et une travée pour les travaux agricoles.

Mais si l’on compare ce plan et celui de la maison de Jeanne d’Arc à Domremy, nous avons du mal à trouver des similitudes. La façade de l’actuelle maison est située sur le pignon, et sa surface au sol ressemble plutôt à un grossier carré : on ne retrouve plus le plan des travées parallèles. Faut-il en conclure que la maison de Jacques ne répondait pas à ce schéma de la maison lorraine classique, ou plutôt que les nombreuses modifications qu’elle a subies, surtout après 1820, ont complètement bouleversé sa structure initiale ?

Hormis le fait qu’elle possédait un jardin, on ne sait rien sur l’aspect de la maison du vivant de Jeanne d’Arc. On sait seulement qu’à la fin du Moyen Age, la façade de la maison était décorée de peintures murales illustrant l’épopée de l’héroïne. C’est Michel Montaigne qui nous laisse ce témoignage daté de 1580 : "[Nous] passâmes le long de la rivière de Meuse dans un village nommé Domremy sur Meuse, à trois lieues dudit Vaucouleurs d’où estoit natifve cette fameuse pucelle d’Orléans qui se nommoit Jane Day ou Dallis. Ses descendants furent annoblis par faveur du roi, et nous montrèrent les armes que le roi leur donna, qui sont d’azur à une espée droite couronnée et poignée d’or au costé de ladite épée : de quoy un receveur de Vaucouleurs donna un escusson peint à M. de Casehis. Le devant de la maisonnette où elle naquit est toute peinte de ses gestes ; mais l’âge en a fort corrompu la peinture. Il y a aussi un arbre le long d’une vigne qu’on nomme l’arbre de la Pucelle, qui n’a nulle autre chose à remarquer". Il ne reste plus aucune trace de ces peintures.

La maison avant 1818

Les premières modifications importantes furent apportées en 1481, probablement par Claude du Lys, arrière-petit-neveu de Jeanne d’Arc, dont le blason, accompagné de celui de son épouse Nicole Thiesselin, orne le tympan de la porte actuelle de la maison. C'est donc probablement à ce moment que le pignon est de la maison fut modifié, devenant la façade principale et que les grandes fenêtres à meneaux y furent ouvertes. Il est vraisemblable que la disposition des pièces situées derrière cette façade fut également modifiée à ce moment-là. Ces modifications correspondent à un changement de condition sociale des membres de la famille de Jeanne d’Arc, qui commencent à vivre noblement comme en témoigne une enquête de 1476.

Au dessus du tympan figure une statue du XVIIe siècle, représentant Jeanne d’Arc en armure, agenouillée. Bien que cette statue ait été parfois considérée comme provenant d’une chapelle construite par la famille des Hordal, il paraît plus plausible qu’elle ait été placée là par les comtes de Salm, propriétaires de la maison de 1586 à 1611. L’existence de la chapelle Hordal semble très hypothétique : on n’en connaît ni la date de construction, ni la date de destruction, ni l’emplacement.

Au cours du temps, la maison changea successivement de propriétaires, mais elle fut toujours considérée comme étant celle de la Pucelle. A ce titre, elle fait l’objet de témoignage de visiteur, comme Don Calmet au XVIIIe siècle : "On voit encore à Domremy la maison de Jeanne d’Arc, sur la porte de laquelle sont ses armes et sa figure et sur le ban du village les vestiges de la chapelle où elle allait faire sa prière". Lors de la Révolution Française, le tympan subit des dégradations de la part d’un jacobin : les meubles des blasons furent martelés et les membres de la statue brisés. Celle-ci fut finalement sauvée de la destruction totale par l’intervention d’un ancien député de la Haute-Marne de passage à Domremy, François-Joseph Henrys.

La rue principale de Domremy, qui passe devant la façade actuelle de la maison de Jeanne, est l’ancienne voie secondaire romaine de Langres à Verdun qui passait par Neufchâteau, Domremy, Vaucouleurs, Commercy, etc. Elle longe la Meuse par la rive gauche et fait de Domremy une étape dans la route du commerce de vins et de draps entre la Bourgogne et les Flandres. En 1767, les Ponts et Chaussées de l’intendance de Lorraine entreprirent des travaux concernant le tracé de cette route pour la faire passer sur l’autre rive de la Meuse. A l’occasion de ces ravaux de voirie, il fallut détourner de son cours le ruisseau des Trois-Fontaines qui passait sur la chaussée. On lui fit prendre une direction oblique plus méridionale, l’obligeant à passer dans le jardin de la maison de Jeanne et de là dans la Meuse. Suite à cette modification de voirie, l’ancienne route fut peu à peu délaissée et laissa le champ libre à la construction de nouvelles habitations sur son terrain. Des voisins s’installèrent à l’est et au sud de la maison de Jeanne. Albert Gérardin, son propriétaire depuis 1700, construisit devant la maison un logement composé d’une cuisine sur rue, d’un poêle à l’arrière et d’une grange sur le côté. Il se servit de la maison de Jeanne comme d’une remise à bois et d’une étable. Les infiltrations du ruisseau la rendaient inhabitable.

La maison de Jeanne n’étant plus visible de la rue, Gérardin décida de déplacer les écussons du fronton de la porte ainsi que la statue de Jeanne afin d’indiquer la présence de la maison aux passants. Cependant, des « touristes » peu curieux se contentaient de cette façade sans chercher à avoir de plus amples renseignements et prenaient ainsi la maison de Gérardin donnant sur la rue pour la véritable maison de Jeanne. En 1815, au lendemain de la défaite napoléonienne de Waterloo, des troupes autrichiennes et prussiennes passèrent par Domremy. L’aventure de la Pucelle d’Orléans leur était connue grâce à l’oeuvre de Schiller. Ce fut avec beaucoup d’intérêt qu’ils vinrent visiter sa maison natale.

Le propriétaire, Nicolas Gérardin, leur faisait traverser sa grange pour leur montrer le bâtiment médiéval qui se situait dans son arrière-cour. Les visiteurs n’hésitaient pas à repartir avec des morceaux de bois ou de pierres arrachées à la demeure. C’esi ainsi que l’archiduc Ferdinand, fils de l’empereur d’Autriche, emporta un morceau de la poutre de la pièce principale, en guise de relique. Un officier prussien proposa même à Nicolas Gérardin de lui acheter le tympan sculpté et la statue installés au-dessus de sa porte. Devant le refus du propriétaire, l’officier lui offrit 6 000 francs pour la maison entière, sans succès.

En 1818, le département des Vosges acheta finalement la bâtisse pour 2 500 francs "considérant que cette maison est pour la France, et surtout pour les Vosges, un monument historique auquel se rattachent de grands et glorieux souvenirs". Le roi Louis XVIII approuva cette décision et accorda un crédit de 20 000 francs pour la restauration de la maison et l’érection d’un monument en l’honneur de Jeanne d’Arc, ainsi qu’une somme de 8 000 francs pour la fondation d’une école religieuse pour les jeunes filles de Domremy et de Greux.

La direction des travaux fut confiée à l’ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées du département des Vosges, M. Henri-Prosper Jollois. En effet, lorsque le département acquit la maison, celle-ci était très dégradée et sale. Pour y accéder, il fallait d’abord traverser l’habitation de Gérardin, puis passer dans une petite cour obscure. Les murs de la maison, extérieurs comme intérieurs, étaient en très mauvais état. La première pièce abritait deux grande cuves où l’on faisait fermenter le vin après les vendanges. Le plancher supérieur était dégradé et la fenêtre en partie murée. La chambre de droite était devenue une étable à vache. La pièce du fond servait de cellier. Toutes les pièces étaient humides et sales, plus basses de 60 ou 80 cm que le sol du jardin qui se trouve derrière la maison, apparemment remblayé pour canaliser le ruisseau de Trois-Fontaines.

Les travaux après 1818

M. Jollois décida de raser toutes les habitations pour ne garder que quatre pièces dans la partie la plus ancienne, la dégageant ainsi de tout ce qui l’entourait. Il réinstalla à sa place initiale le tympan sculpté au-dessus de la porte après avoir fait restaurer les armoiries. Il restaura aussi les deux fenêtres à meneaux, à gauche de la porte et à l’étage avec des vitraux de bordures colorées. A l’intérieur de la première pièce, sur le mur de gauche, M. Jollois placa une cheminée du XVIe ou XVIIe siècle récupérée chez Nicolas Gérardin. D’après sa description, il y avait sur ce mur les traces d’une cheminée, probablement enlevée par Albert Gérardin lorsqu’il s’était installé dans les bâtiments donnant sur la rue et qu’il avait transformé la maison de Jeanne en dépendances. Les planchers furent restaurés et de grandes dalles de pierres installées au rez-de-chaussée. A la place des habitations qui se trouvaient devant la maison, il fit construire deux pavillons consacrés à l’école religieuse des jeunes filles et au logement des soeurs. Entre les deux bâtiments, un passage couvert conduisait devant la maison et était fermé par une grille en fer La place publique fut nivelée et rehaussée pour accueillir le monument consacré à la mémoire de l’héroïne. Il s’agit d’une fontaine surmontée d’un piédestal en pierre entouré de colonnes et abrité par une corniche de style antique, et sur lequel était posé un buste en marbre de Jeanne exécuté par M. Legendre-Héral.

On sait, par l’étude des plans levés à cette occasion, que les pièces du sud ouest, abritées sous la seconde pente du toit, auraient dues être supprimées immédiatement : elles ne figurent pas sur le projet d’aménagement de Jollois. Cependant, des plans et des gravures plus tardives nous montrent sans équivoque qu’elles furent seulement réduites de moitié, occupant encore toute la largeur de la maison. En 1892, elles furent réduites à un quart de la surface initiale. Enfin, elles furent totalement abattues en 1894, pour nous donner l’aspect actuel de la maison conforme au projet de Jollois. On peut toutefois s’interroger sur la pertinence des choix de Jollois, effectués apparemment sans étude historique ou architecturale sérieuse.

En 1840, la maison de Jeanne d’Arc fut classée sur la liste des Monuments Historiques. A cette occasion, deux projets concernant des mesures d’ornement et de conservation de la maison furent élaborés : le premier proposait la restauration de la charpente et de la couverture qui s’écroulait, l’installation d’une clôture autour de la maison avec un arrangement des jardins et une plantation d’arbres, et d’une grille en fer devant la maison pour fermer les communications avec la rue ; le deuxième envisageait la construction d’un péristyle en marbre avec des colonnes de pierres, placé entre les deux pavillons de Jollois pour démasquer la maison et abriter la statue exécutée par la princesse Marie de France et offerte par le roi. C’est le premier projet qui fut finalement retenu, avec l’installation de la niche néo-gothique au-dessus de la porte pour abriter la statue agenouillée de Jeanne.

Un demi siècle plus tard, le ministère des Beaux-Arts projeta de restaurer la maison et d’installer un musée dans le grenier. Malgré l’avis contraire de la commission de finances du Conseil général des Vosges, les travaux furent tout de même réalisés : verrière sur le toit pour éclairer le musée, établissement d’un nouveau plancher, d’une cheminée pour chauffer le musée, et d’un escalier pour accéder à l’étage. C’est alors que les restes de la pièce adossée au côté gauche de la maison furent détruits, ainsi que les pavillons de Jollois.

La maison de nos jours

Tout au long du XIXe et du XXe siècle, la maison subit de nombreux travaux restaurations de charpente et de toiture, assainissements du bâtiment à cause de l’humidité ambiante due à la présence du ruisseau, consolidation des façades, système d’évacuation des eaux de pluie vers la Meuse... Tous ces travaux témoignent de la fragilité de cette demeure du bas Moyen Age. Ils reflètent également le nouveau souci de considérer la maison de Jeanne d’Arc comme un monument à part entière et de privilégier la seule finalité d’habitation, aux dépens de la fonction agricole.

En 1923, on décida de déplacer le musée dans le jardin. L’établissement d’une entrée payante, comme dans tous musées nationaux et départementauLa maison de nos jours Tout au long du XIXe et du XXe siècle, la maison subit de nombreux travaux restaurations de charpente et de toiture, assainissements du bâtiment à cause de l’humidité ambiante due à la présence du ruisseau, consolidation des façades, système d’évacuation des eaux de pluie vers la Meuse... Tous ces travaux témoignent de la fragilité de cette demeure du bas Moyen Age. Ils reflètent également le nouveau souci de considérer la maison de Jeanne d’Arc comme un monument à part entière et de privilégier la seule finalité d’habitation, aux dépens de la fonction agricole. En 1923, on décida de déplacer le musée dans le jardin. L’établissement d’une entrée payante, comme dans tous musées nationaux et départementaux, permit de participer à son édification. Depuis cette date, de nombreux projets d’embellissement du site se sont succédés : square, plantations d’arbres, installation de monuments commémoratifs devant la maison... Mais on choisit finalement de la mettre en valeur dans un cadre nouveau. x, permit de participer à son édification. Depuis cette date, de nombreux projets d’embellissement du site se sont succédés : square, plantations d’arbres, installation de monuments commémoratifs devant la maison... Mais on choisit finalement de la mettre en valeur dans un cadre nouveau.

La maison de Jeanne : tradition et symbolisme

Tradition populaire autour de la maison

Le souvenir de la Pucelle semble avoir été très tôt associé à la maison par les habitants de Domremy. Dans les différents actes de vente, il est question de la “maison dict et apellé v[u]lgairement la maison de la pucelle, assize au village de Dompremy sur Meuse, proche l’église dudict lieu"; de “la maison de mondict seigneur [François de Lorraine] dicte et appellée la maison de la pucelle (...) scize audict Dompremy proche de l’église dudict lieu", et de “la maison (...) appartenant originairement à Jacques d’Arc et à Isabelle Romée, à Jeanne d’Arc, leur fille, surnommée la Pucelle d’Orléans, qui l’a habitée, et où elle est née, au plus tard en l’an 1412, au surplus ainsi qu’il est de toute notoriété et de tradition certaine". Dès la fin du XVIe siècle, on appelle le village Domremy-la-Pucelle et un culte johannique s’y développe. On montre sa maison comme un lieu de souvenir. En 1586, la famille de Salm l’achète après que l’on ait joué devant elle une tragédie consacrée à l’héroïne.

Des témoignages de visiteurs nous signalent la maison tout au long des siècles : Montaigne au XVIe, Dom Calmet au XVIIIe, des journalistes et des érudits locaux au XIXe... Les guides de visites et de pélerinages de cette époque vont même jusqu’à donner une identification précise des pièces de la maison afin de retrouver de façon plus concrète le souvenir de Jeanne. Cette identification perdure encore de nos jours.

La maison actuelle a néanmoins subi de nombreuses transformations. Comme toute maison habitée, elle a été réparée, modifiée et " modernisée" depuis le Moyen Age. Les premiers grands travaux datent de 1481 comme en témoigne le tympan. Cependant, rien n’empêche de penser que l’on ait rebâti à partir d’un noyau de pièces anciennes datant de l’époque de Jacques d’Arc. Il semblerait que les pièces de derrière (c), (d), (s) sur le plan de Jollois soient antérieures à celles de devant. On y retrouve peut-être l’enfilade de pièces tout en longueur avec la façade donnant au sud-ouest, sur l’actuel ruisseau (mais qui n’était pas à cet emplacement avant 1767). Ces trois pièces correspondaient probablement à la travée de l’habitation. La petite pièce (c), soi-disant chambre de Jeanne, porte les traces d’un four qui faisait saillie sur le côté nord-est du bâtiment : c’était la chambre à four. Elle se situe effectivement à l’arrière de l’habitat comme dans toute maison lorraine classique. La travée des travaux agricoles (écurie et grange) se situait peut-être à l’emplacement (b), (a), (r) et a été rasée pour construire d’autres pièces d’habitation. Le jardin se situait à l’arrière, au nord-est, entre la maison et l’église.

Claude du Lys, le propriétaire en 1481, n’avait plus l’utilité d’une travée agricole compte tenu de ses nouvelles aspirations sociales. Il aurait donc rendu la maison plus confortable, avec le souci manifeste de montrer sa notabilité : la deuxième partie reconstruite est plus haute que l’ancienne et l’entrée de la maison est déplacée sur le pignon, faisant ainsi face à la grande route du village.

La maison en demi-pignon que nous connaissons ne correspond pas exactement à ce qu’a dû connaître Jeanne. Tous les éléments qui permettent de la dater(fenêtres à meneaux, tympan, statue) ne sont pas contemporains de la Pucelle, mais de la fin du XVe et du XVIe siècle. Il ne faut donc pas chercher à identifier trop précisément la fonction des pièces. Cependant, la localisation de la maison paraît indiscutable.

Symbole de l’unité nationale

Pour le courant politique nationaliste, Jeanne incarne l’amour de la patrie et l’union nationale pour défendre le pays face à l’envahisseur. La maison de Jeanne remplit alors un rôle de monument commémoratif palliant l’absence de sépulture.

L’intervention de Louis XVIII en 1818 n’est pas un simple geste de mécénat. Jeanne a replacé Charles VII sur le trône de France en période de désarroi politique, tout comme Louis XVIII fut rétabli roi de France après la chute de l’Empire. Le geste de Jeanne avait conduit le pays vers l’aboutissement de la guerre de Cent Ans, la seconde Restauration assurait à son tour la paix après la défaite napoléonienne de Waterloo. En 1818, cette reconnaissance nationale de la Pucelle par le biais de sa maison natale était avant tout un geste politique. Il contribuait à rendre populaire l’image du souverain et concourait au rassemblement national autour d’un thème commun : Jeanne d’Arc, et à travers elle, la patrie.

Durant la guerre 1914-1918, Jeanne remplit plus que jamais un rôle d’unificatrice nationale face à l’ennemi, surtout lorsque l’un des enjeux de la guerre est de recouvrer l’Alsace et la Lorraine. La maison de Domremy devint le lieu de passage de troupes qui venaient honorer la guerrière et la libératrice de la France

Bibliographie

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CHAUVET (J.Y.), Vivre la maison lorraine, Nancy, 1981.

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